On peut reprocher beaucoup de choses à Bernard-Henri Lévy, et notamment sa façon de se mettre en scène à chaque occasion, son image finissant par éclipser le sujet traité, mais on ne peut lui nier une certaine ténacité et surtout une fidélité inébranlable aux combats qui sont les siens, qu’il s’agisse des Kurdes ou des Ukrainiens. Dans Pourquoi l’Ukraine, son nouveau film, diffusé ce mardi sur Arte, le philosophe revient aux sources de la guerre lancée le 24 février par la Russie à cette ex-république soviétique redevenue en 1991 un pays indépendant, et notamment au soulèvement de Maïdan, entre la fin 2013 et le début de 2014, « mélange de mai 1968 et de prise de la Bastille », quand « tous étaient unis dans la volonté de se soustraire à l’empire russe et à son valet, [le président prorusse] Viktor Ianoukovytch. » On aperçoit Bernard-Henri Lévy clamer alors devant la foule, de la tribune, « nous savons que le sort de l’Europe se joue ici, sur Maïdan ! » Huit ans plus tard, cette phrase est le leitmotiv des Européens désireux d’aider les Ukrainiens à garder leur liberté. « Personne n’a humilié Vladimir Poutine, affirme la voix off de BHL en réponse à tous ceux qui ont tenté d’expliquer en ce sens l’invasion de l’Ukraine, c’est juste ce désir de démocratie à sa porte qu’il a pris pour un affront. »

On voit l’écrivain marcher, la mine grave dans son pardessus au col relevé, parmi les amas de gravats et de cendres de Boutcha et d’Irpin. Et l’on entend sa voix s’envoler : « Je me souviens de Sarajevo en flammes, je me souviens des villes libyennes éventrées, je me souviens de Mossoul dont nous avions filmé la libération et les ruines, […] jamais nous n’oublierons Irpin et Boutcha. »

« Marioupol, c’est Guernica »

On le voit embrasser l’ex boxeur et actuel maire de Kiev, Vitali Klitschko, l’ex première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko qu’il a fait recevoir par François Hollande à l’Elysée, on le voit jouer sa pièce sur l’Europe à Kiev en 2019 puis rencontrer Volodymyr Zelensky qu’il fut un des premiers à saluer une fois le comédien porté à la tête de l’Ukraine : « Il n’y a pas de héros sans un peuple héroïque, pas de Zelensky sans ces citoyens d’Odessa qui bravent l’escadre qui les tient sous le feu. »

On le voit bien sûr arpenter Marioupol, équipé d’un casque et d’un gilet pare-balles. Et toujours cette voix off aux accents d’André Malraux : « Marioupol, c’est Guernica en Ukraine, c’est Grozny et Alep qui recommencent, c’est l’Apocalypse selon Poutine diffusée comme un feuilleton en mondovision sans que personne n’arrête le forcené. »

Piqûre de rappel

Devançant les critiques sur ces éléments radicaux, voire néonazis, qui peupleraient certains groupes armés en Ukraine, BHL l’affirme : « Le régiment Azov, comme toutes les résistances, a accueilli dès le début tout le monde mais il s’est vite purgé des plus radicaux. Il n’y a pas de néonazis. […] L’Ukraine fut un pays qui collabora avec l’Allemagne nazie mais c’est aussi l’un des pays qui compta le plus de justes, un pays où toutes les grandes villes ont un mémorial de la Shoah. » Une fois de plus, Bernard-Henri Lévy implore l’Europe d’agir. « Il n’y a pas deux options, il n’y en a qu’une : que Poutine recule. »

Pourquoi l’Ukraine pourrait s’appeler « les tribulations de BHL en Ukraine », ce film n’apprendra peut-être pas grand-chose à ceux qui suivent le conflit depuis ses débuts mais il agira comme une piqûre de rappel sur ceux qui ont fini par s’habituer à une guerre dont ils craignent de ne jamais voir la fin.

Mardi 28 juin à 22h 25 et sur arte.tv Pourquoi l’Ukraine, Film de Bernard-Henri Lévy, coréalisé par Marc Roussel, coscénarisé par Gilles Hertzog, produit par François Margolin, avec Emily Hamilton et Natalie Gryvnyak


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