Que Dieu, dans le Coran, interdit formellement le suicide, donc le geste du kamikaze, et que l’homme qui, pour tuer, se tue et défie donc la volonté divine se condamne à refaire le même geste, en enfer, jusqu’à la fin des temps ;

qu’il n’y a (sourate II, verset 256) « point de contrainte en religion » et que nul imam, nul ayatollah, nul docteur ou savant n’a, en ce monde, le pouvoir de contraindre tel ou tel à se conduire en « bon musulman » ;

qu’à chacun « revient » (sourate CIX, verset 6) sa religion et que les religions, disparates certes, concurrentes, se doivent considération réciproque, tolérance ;

que les fidèles de l’islam, qui doivent amour à leur prophète, doivent respect à Ibrahim, Moussa, Issa (Abraham, Moïse, Jésus), les autres prophètes, glorifiés à chaque prière ;

que « djihad » ne veut pas dire « guerre sainte » mais « ascèse », effort « sur le chemin de Dieu », et ne prend cette connotation dérivée de « guerre » que plus tard, en un second temps, celui des Croisades (jusque-là, et encore après, un mot de la morale, non de la politique, encore moins de l’art militaire) ;

qu’une « fatwah » n’est pas un ordre, un imprescriptible commandement, ou qu’elle ne l’est, plus exactement, que par abus de sens et de pouvoir – cf. Khomeyni ;

que la « charia » au nom de laquelle, dans nombre de pays, on continue, aujourd’hui encore, de lapider les femmes adultères – cf. le cas de la nigériane Safiya Husaini, condamnée à Sokoto, en sursis à l’heure où j’écris – ne revêt pas la forme d’obligation que croient les fanatiques ;

que le port du foulard chez les jeunes filles n’est lui aussi, quand on lit vraiment les textes, qu’une recommandation circonstanciée et que la question ne mérite pas, en tout cas, la crispation, le déchaînement idolâtrique que l’on a vus, récemment, en France ;

que, même s’il n’est, à l’évidence, « pas très favorable à ce que la femme soit l’égale de l’homme », même s’il permet la polygamie et le régime de soumission qui s’y attache, rien, en islam, n’interdit que soient formées des lois donnant aux femmes leur place dans la société, leurs droits ;

qu’il y a des pages du Coran qui prônent le métissage culturel, la rencontre, l’impureté – par exemple la sourate IL verset 13 : « nous vous avons constitués en peuples et tribus pour que vous puissiez vous connaître les uns les autres » ;

qu’Ibn Khaldoun invente la sociologie ;

que La Fontaine, pour ses Fables, s’inspire d’Ibn al-Muqaffa, un écrivain arabe du VIIIe siècle, autant que d’Esope ;

que les musulmans ont produit l’algèbre, le zéro et, dès le IXe siècle, les observatoires du ciel, l’astronomie ;

que, de Damas à Palerme, Grenade, Samarkand, l’essentiel de la philosophie grecque, donc du logos occidental, se perpétue à travers les textes, donc la langue, des savants des « Maisons de la sagesse » arabes – n’est-ce pas à Averroès, au XIIe siècle, que nous devons, en Occident, la transmission de l’essentiel de l’héritage d’Aristote ?

qu’il n’y a jamais eu, en islam, contrairement à ce que voudraient faire croire les obscurantistes, d’interdit sur la traduction ni, encore moins, la représentation – cf., en Perse, la tradition d’enluminures, de peinture, de dessin ;

qu’il y eut, entre les IXe et XIe siècles, un âge d’or de la culture arabe et qu’Abd al-Rahman III, le calife qui régna sur l’Espagne musulmane durant un demi-siècle, s’entourait de savants indifféremment juifs, chrétiens, arabes ;

qu’il s’est, à l’aube de la modernité, encore trouvé des réformateurs pour, comme Jamal al-din al-Afghani et Mohammed Abduh, continuer de dire la nécessité, non seulement du dialogue entre les mondes, mais de l’amendement de textes sacrés jugés à tort impeccables, intouchables ;

que l’acquisition du savoir en général, et du savoir religieux en particulier, est, selon un « dire » du prophète, jugée assez importante pour être mise sur le même plan que ces piliers de la foi que sont le jeûne du ramadan et la prière quotidienne ;

bref, qu’il y a un islam dur, terriblement noir, assassin, qui engendre les talibans et règne en Arabie saoudite, mais qu’il y en a un autre, éclairé, en guerre avec le premier, riche d’une tradition dont tout indique qu’elle a, dans les textes mêmes, autant, sinon plus, de titres à l’orthodoxie et, donc, de légitimité – voilà ce que montre l’écrivain franco-marocain, prix Goncourt 1987, Tahar Ben Jelloun dans un petit livre simple, limpide, fort : L’islam expliqué aux enfants (Seuil) : dois-je insister sur l’importance de cette lecture, aujourd’hui ? faut-il dire à quel point elle s’impose en ces heures où tant de voix s’élèvent pour dire l’inévitable choc des cultures, des civilisations, des religions ? Précieux Ben Jelloun.


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