Chacun se souvient de cette fameuse conférence de Durban qui s’acheva, deux jours avant le 11 Septembre, dans la ville du même nom, en Afrique du Sud, sous l’égide des Nations unies.
Nous avons tous en mémoire le terrible spectacle offert, à Durban donc, par ces représentants d’ONG qui se retrouvaient, en principe, pour fustiger l’intolérance et le racisme et qui s’accordèrent, en réalité, sur le fait qu’il n’y avait qu’un État raciste au monde et que cet État, c’était Israël.
Et je ne peux, moi, en tout cas, oublier la stupeur et, très vite, le désespoir de ces délégations de survivants du génocide rwandais, de militants de la démocratie zimbabwéens, d’intouchables indiens, de Pygmées, de rescapés des massacres soudanais, j’en passe…, lorsqu’ils réalisèrent que leur sort ne présentait aucune espèce d’intérêt aux yeux des croisés de l’altermondialisme qui avaient fait main basse sur la conférence et ne voulaient, en matière de discrimination, ne plus voir désormais qu’une tête : celle des peuples dont le malheur pouvait être imputé à l’Occident en général et aux « Américano-sionistes » en particulier.
Huit ans plus tard, réédition.
Du 20 au 24 avril prochain, à Genève, nouvelle conférence – dite de Durban II – où l’on doit, nous explique-t-on, évaluer les « progrès » réalisés depuis Durban I en matière de lutte contre le racisme.
Sauf que tout ce que l’on sait de l’organisation de cette nouvelle conférence, tout ce qui a pu filtrer des intentions du bureau du « Comité préparatoire » présidé par la Libye, tout que l’on peut lire, surtout, dans le projet de « Déclaration finale » d’ores et déjà rédigé par le bureau avec l’aide, en particulier, de ses vice-présidents pakistanais, cubain et iranien – ah ! les grands démocrates… – laisse présager le pire.
Israël plus que jamais mis en accusation car fondé, – dit-on –, sur un « apartheid »…
La critique des religions et, en particulier, de l’islam – définie comme un « racisme »…
L’inscription, autrement dit, du « délit de blasphème » parmi les crimes majeurs que la communauté internationale se doit de stigmatiser…
Sans parler du fait qu’il ne dit toujours pas un mot, ce projet de Déclaration, ni du Zimbabwe de Mugabe, ni du Darfour et de ses 300 000 morts, ni d’aucune des hécatombes dont le monde – et en particulier l’Afrique – est, aujourd’hui même, le théâtre mais dont on imaginait mal les tenants de l’axe irano-libyen se faire les pourfendeurs…
Tel est l’esprit de Durban II.
Telle est la lettre du texte qui sera, à partir du 20 avril, soumis à la discussion.
Et tel est le piège, donc, qui est en train de se mettre en place et où l’on voudrait voir tomber les gouvernements des pays démocratiques ainsi que, venus du monde entier, les militants antiracistes.
Alors, je sais bien qu’une discussion est, par définition, un lieu ouvert.
Et je n’ignore pas qu’il reste beaucoup de jours pour, d’ici au 20 avril, tenter de modifier un texte dont chacun convient qu’il est, en l’état, inacceptable.
Mais le point de départ étant celui-là, le socle de propositions servant de base au débat étant cette addition de préjugés, de haines et de silences, le rapport de forces, enfin, étant ce que l’on peut présumer qu’il sera au sein d’un Comité préparatoire dominé, je le répète, par les représentants d’Ahmadinejad et Kadhafi, on voit mal comment, même amendée, la Déclaration qui nous est présentée pourrait servir de Charte à une action antiraciste mondiale et concertée.
Et c’est pourquoi à la question posée, ce lundi 2 mars au matin, par la secrétaire d’État Rama Yade à un groupe d’intellectuels (faut-il aller à Durban II ? faut-il, et jusqu’à quel point, batailler pour que soient respectées les « lignes rouges » tracées par la diplomatie française ? ou faut-il, comme le Canada et, peut-être, les États-Unis, se résoudre à boycotter ?) je réponds, personnellement, que oui, hélas, la solution du boycott semble être la plus raisonnable, la plus digne, en même temps que la plus conforme à la vocation de la France.
La plus conforme à la vocation de la France, car il est inconcevable que le pays de Voltaire entre, si peu que ce soit, dans l’engrenage d’un débat où l’on accorderait aux représentants des Églises le droit de limiter la liberté d’expression et de conscience.
La plus digne, car on n’imagine pas, trente-quatre ans après l’« ignominie » (Michel Foucault) de la résolution de l’Unesco assimilant le sionisme à une forme de racisme, la patrie des droits de l’homme consentir à ce que le légitime débat politique sur le déroulement, voire le principe, de la guerre de Gaza tourne à la stigmatisation globale, morale, unique en son genre, de l’État juif.
Et la plus raisonnable, parce que la lutte contre le racisme est chose beaucoup trop sérieuse pour que l’initiative en soit laissée à un quarteron de dictateurs dont le principal souci est de faire oublier les discriminations, humiliations, violations massives des droits de l’homme et de la femme dont leurs propres pays sont le lieu.
Dans l’intérêt même de cette lutte, par égard pour la belle et noble cause qu’est la cause antiraciste, en hommage à tous ceux qui, de Fanon à Mandela, en ont défini l’esprit, il faut refuser, très vite, très fermement, et sans appel, la farce de Durban II.
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