C’est la rentrée où un écrivain raconte qu’un président élu éprouve du bonheur mais pas de joie.

C’est la rentrée où l’on découvre que les pédophiles prennent du Viagra : fin du débat sur l’inné et l’acquis, sur la pulsion perverse incompressible, le démon ou non qui les taraude, le sexe comme un destin.

C’est une rentrée sans Antonioni, sans Bergman, morts à quelques heures d’intervalle, comme Shakespeare et Cervantès.

C’est une rentrée où l’on apprend que Mère Teresa doutait, qu’il lui est arrivé de se croire seule, abandonnée de Dieu, tendant l’oreille et n’entendant rien, expérience mêlée de la foi et du ciel vide, de la communion et du désert : eh bien ? comme si la certitude seule faisait les saints ! comme si cette information ne donnait pas à sa sainteté un relief plus vertigineux encore !

C’est la rentrée où littérature et actualité parlent ensemble, d’une même voix, d’infanticide – envers de la pédophilie ? la même chose ?

C’est une rentrée où les socialistes croient qu’ils ont besoin de nouvelles têtes alors qu’ils n’ont besoin que de nouvelles idées.

C’est la rentrée où, pour la première fois, Dominique Strauss-Kahn apparaît comme le mieux placé pour refonder son parti – mais cela au moment même où il s’apprête, FMI oblige, à laisser ses camarades se débrouiller sans lui. Défaut de timing ? Habileté suprême ? Ou, juste, ironie de l’Histoire ?

C’est la rentrée où Ségolène Royal, ciblée de toutes parts, lâchée par ses partisans, seule, affronte, elle, son heure de vérité : plus difficile qu’un face-à-face d’entre-deux-tours ; mais plus décisif, aussi ; et occasion, pour cette femme au cœur tour à tour brisé et bronzé (Chamfort), de réaffirmer son caractère et, j’en suis sûr, sa souveraineté.

C’est une rentrée où Ingrid Betancourt est toujours en détention.

C’est une rentrée où la tragédie du Darfour continue de plus belle. Je ne serai pas le président d’une France qui laissera s’accomplir un nouveau génocide, avait dit Nicolas Sarkozy pendant sa campagne. Soit. Où en sommes-nous ?

C’est la rentrée où le nouveau chef de notre diplomatie – fait sans précédent dans l’histoire de la République – s’entretient avec le Premier ministre d’un État où il est en visite pour, une fois rentré, dire qu’il faut le remplacer : inconscience ? gaffe ? ou juste un coup d’avance dans le jeu d’un ministre hors normes et qui connaît mieux que personne les arcanes de la politique en Irak ?

C’est la rentrée où l’on voit une première dame de France hésiter entre les rôles de Jackie Sarkozy, Bernadette Kouchner ou lady Cécilia. Intéressant.

C’est la rentrée où, à propos de Lady Di justement, on apprend – dans l’excellent livre de Tina Brown (Lattès) – que la princesse de Galles avait choisi Dodi parce qu’il avait, croyait-elle, le meilleur service de sécurité et les voitures les plus sûres du monde.

C’est la rentrée où de nouveaux commissaires du people ont décidé d’inverser les rôles en chassant (en justice) les paparazzi. Est-ce, vraiment, une bonne idée ? Et, vraiment, la bonne méthode pour protéger sa vie privée ? Revoir, en attendant, sur la chaîne câblée qui le rediffuse, La Dolce vita de Fellini où l’ami de Marcello s’appelle Paparazzo et baptise ainsi les paparazzi.

C’est la rentrée où se vérifie, une fois de plus, le mot de cet humoriste notant que, s’il n’y avait pas la météo, 95 % des humains n’auraient plus de sujets de conversation – sauf que, cette fois-ci… les morts de Grèce… le site d’Olympie menacé… le temple d’Apollon Epikourios, dans le Péloponnèse, atteint par les incendies… ces déluges… ces signes d’un dérèglement terrible et, peut-être, inédit…

C’est une rentrée où, comme d’habitude, il y a un Amélie Nothomb – mais, là encore, de quoi s’agit-il ? le livre ou le personnage ? son livre, réellement, ou ce personnage qui, comme nous tous, tend à cannibaliser son œuvre ?

C’est la rentrée où Philippe Sollers publie ses Mémoires et les intitule « roman ». Manière, justement, de résister à la cannibalisation ? de ne laisser personne raconter son aventure à sa place ? ou façon de dire, comme Walter Benjamin à propos de Baudelaire, qu’écrire l’histoire de son époque c’est « donner leur physionomie aux dates » ?

C’est la rentrée où les Londoniens s’éclaireront grâce à du pétrole ristourné par Chavez.

C’est la rentrée où la Société du spectacle planétaire devra compter avec un nouvel acteur : ce fameux fils Kadhafi, habillé comme 50 Cent, chemises fluo, montre G-Unit, Nike de rappeur et qui invente la déclaration à démenti incorporé.

C’est la rentrée où quand la bande de Gaza est privée, vingt-quatre heures, d’électricité, la presse locale se plaint que le principal effet de la panne est de priver les enfants de télévision et, à la télévision, de leur feuilleton antisémite préféré.

C’est l’avant-dernière rentrée pour George Bush et peut-être la dernière pour Dick Cheney.

C’est la première rentrée depuis longtemps où le prix Goncourt n’est pas décerné dès le mois d’août.


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