Un passionnant dossier consacré à Salman Rushdie et aux 20 ans de la fatwa prononcée par le régime iranien contre l’auteur des Versets sataniques constitue la pierre de touche de la nouvelle livraison de La Règle du jeu. Une lettre inédite d’Emmanuel Levinas à Maurice Blanchot, écrite peu après la création de l’Etat d’Israël en 1948, et le long récit de Raphaël Haddad, le président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), à propos de la conférence de Durban 2 sur les droits de l’homme en avril complètent le sommaire.

A la veille de son 20e anniversaire, la revue créée par Bernard-Henri Lévy offre une nouvelle maquette, dont la couverture sera confiée à un illustrateur ou à un photographe. Celle du numéro d’octobre est réalisée par la dessinatrice et cinéaste, Marjane Satrapi, avec un dessin intitulé Iran, j’écris ton nom, en référence aux massacres de juillet à Téhéran. La revue reste plus que jamais fidèle aux objectifs qu’elle s’était assignés : créer un espace de discussion, prendre parti là où se font jour les aspirations démocratiques. « Penser les barbaries du moment », selon la formule de Bernard-Henri Lévy.

Pour le philosophe, la chute du communisme, loin de signifier une hypothétique fin de l’histoire, ouvrait au contraire la porte à d’autres périls. Une intuition avérée depuis par les faits, des guerres dans l’ex-Yougoslavie au génocide rwandais, en passant par la résurgence de l’islam fondamentaliste.

Les différentes facettes de ce dernier constituent le plat de résistance de ce numéro, à commencer par le dossier consacré à Salman Rushdie. Il ouvre l’ensemble avec une contribution intitulée « Une malédiction littéraire », où la tâche de l’écrivain est énoncée avec une rare pertinence.

L’entretien avec l’ancien ministre de la culture, Jack Lang, qui relate avec franchise ses difficultés à convaincre, en 1992, le gouvernement Bérégovoy d’inviter Rushdie en France, montre que la cause de l’écrivain n’était pas gagnée d’avance. Le texte d’Ayaan Hirsi Ali, femme politique néerlandaise, nous rappelle les failles de la solidarité occidentale contre la fatwa. L’ancien président américain, Jimmy Carter, accusait l’écrivain d’avoir « insulté des millions de musulmans dont les croyances sacrées ont été bafouées ».

Vingt après, la fatwa demeure. Ayaan Hirsi Ali l’écrit avec force : « Les actes barbares drapés dans de saintes écritures se sont succédé : tyrans domestiques niant aux musulmans ordinaires les droits humains les plus élémentaires, débordements d’intimidation, de terreur et de meurtres dans les sociétés libres. »

Le récit de Raphaël Haddad sur la mascarade que fut Durban 2, organisée sous l’égide de l’Organisations des Nations unies (ONU), présidée par la Libye, vice-présidée par l’Iran, donne une démonstration supplémentaire : face à l’islam radical, l’Occident devra agir et cesser de clamer une indignation de façade. Ce que le président de l’UEJF a fait en perturbant le discours du président Ahmadinejad. « Battons-nous pour réformer la gouvernance de la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Plaidons pour que n’y siègent que les Etats respectant un certain nombre de fondamentaux », conclut Raphaël Haddad.

Cette règle du jeu est limpide et raisonnable. On peut craindre qu’il faille beaucoup d’autres livraisons de La Règle du jeu pour en marteler les fondamentaux.


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