Les deux, bien entendu. Les deux dans deux registres différents. Et surtout pas de confusion, ni entre les deux choses ni entre leurs deux registres. Quand le profane se prend pour le sacré, cela s’appelle l’idolâtrie et ce fut tout le drame, entre autres, des eschatologies politiques. Quand le sacré prend forme dans le profane, cela s’appelle aussi l’idolâtrie et c’est ce qui est en train de se produire, entre autres, avec les Églises néo-évangéliques américaines. Que les deux existent ensemble, qu’ils se distinguent et s’articulent, que l’on s’exerce, par exemple, à profaner le sacré, qu’il y ait, dans une culture ou une société données, des exercices de profanation au même titre que, selon Cioran, des exercices d’admiration, voilà la bonne idée et le vrai ressort de la lutte finale contre tous les idolâtres. La Bible et Voltaire. Respecter les livres sacrés et soutenir tant Ayaan Hirsi Ali que, naguère, Salman Rushdie. Ne pas céder sur la grandeur du Talmud et ne pas céder non plus sur la défense, pêle-mêle, de Voltaire, de Montaigne, de Michel Houellebecq traîné devant les tribunaux pour islamophobie, de Spinoza mis au ban de la communauté juive d’Amsterdam, ou même d’un certain Averroès (dont on oublie un peu vite que, s’il voyait dans la loi juive une « loi d’enfants » et, dans la catholique, une « loi d’impossibilité », c’était pour qualifier la loi musulmane de « loi de pourceaux »). Ou, pour dire la même chose encore – mais à l’envers : la laïcité, bien entendu, mais sans tomber dans l’anticléricalisme pavlovien. Tel est l’enjeu du débat. Et celui, aussi, du moment. Avec cette dernière distinction qu’il est fondamental d’opérer : entre le sacré et le saint au sens d’Emmanuel Levinas. Jamais, au grand jamais, je ne me sentirai l’ennemi de qui met la sainteté à la place du sacré. Jamais, au grand jamais, le saint et le profane n’entreront en compétition. Raison pour quoi je vous propose de changer de formulation.


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