New York. Nations Unies. Le film Slava Ukraini de Bernard-Henri Lévy est annoncé en projection spéciale dans la grande salle du Conseil économique et social de l’organisation, là où se formulent les recommandations politiques adressées aux États membres et au système des Nations Unies, sur un fond célèbre de pièces de tissus géométriques rouge et blanc représentant « une abstraction visuelle du dialogue – le fondement du discours démocratique ».

En ce début mai, le discours démocratique respire d’ailleurs un peu mieux, la Russie vient de terminer son mandat lunaire et funeste à la tête du Conseil de Sécurité de l’Institution. Une parenthèse indigne ; un scandale institutionnel ; un mixte incompréhensible composé d’absurdités. Administratives et bureaucratiquespoussées à un rare paroxysme, assaisonnées probablement de certains ingrédients disséminés par quelques agents russes encore en fonction. 

Comment réparer ? Déjà, par cette soirée ! « Slava Ukraini » est inscrit à chaque pupitre et siège individuel à la place communément allouée au nom du pays du représentant.

Émouvant symbole, quoi qu’en disent les rabat-joie et partisans de la chasse aux émotions, suspectées d’être un frein à la lucidité. Rien de plus faux. Et place à l’Ukraine ! « J’entends souvent parler du risque que l’indifférence ne s’installe à cause de la banalisation de cette guerre et de l’usure de ce sujet. Mais ce que je vois ce soir c’est bien le contraire, et avoir dans cette salle un tel témoignage de la solidarité avec l’Ukraine en est la preuve », adéclaré Sergyi Kyslytsya, ambassadeur d’Ukraine auprès des Nations Unies.

Ce soir, en effet, cette salle est un triomphe pour Slava Ukraini, et les héros de l’Ukraine, dont présente à cette première américaine, Anna Zaitseva, survivante du siège d’Azovstal, où elle a passé deux mois, dans l’enfer des profondeurs de l’aciérie de Marioupol, avec son bébé de 6 mois, Svyatoslav, avant d’être évacuée vers Zaporijjia. Depuis le 16 mai dernier, elle n’a aucune nouvelle de son mari, Kirill, prisonnier des Russes.

Que veut dire pour elle ce film ? « Cela aide les gens, en Europe et aux Etats-Unis, à mieux comprendre la dure réalité de la guerre », dit-elle, « car quand vous n’êtes pas sur la ligne de front, quand vous n’êtes pas dans un abri sous les bombes, à se protéger pour survivre, il est très difficile de se rendre compte de ces choses et qu’elles sont encore possibles au 21ème siècle. Cela nous aide à obtenir encore plus de soutien »et elle confie : « Je suis impressionnée à 100% par ce film. Il est difficile à regarder pour moi, car à chaque fois, mon esprit et mon téléphone luttent à cause des Russes, mais en même temps, je dois le regarder, je dois le faire, car cela aide vraiment les gens à comprendre la réalité de la guerre. ».

Elle est accompagnée de Mykhailo Dianov, un des guerriers d’Azovstal lui aussi, libéré de sa captivité russe, cauchemardesque, en septembre dernier. Avant la guerre à grande échelle, Mykhailo était professeur de piano. Il est aussi désormais l’homme d’une des photos emblématiques et mondialement connues du siège de Marioupol. 

Une douceur rare dans le regard, après la projection, dehors, devant le bâtiment des Nations Unies : il est « ok » pour une photo avec BHL, « puisqu’il est un héros ». Et notre philosophe d’interjeter : « c’est toi le héros, je ne suis que le témoin ». L’un n’exclut pas l’autre. 

La salle accueille aussi plusieurs militaires ukrainiens accompagnés aux USA par une ONG, Kind Deeds, aidant soldats gravement blessés, ayant perdu un membre, à retrouver une vie « normale », autant que faire se peut, entourés d’une communauté ukrainienne newyorkaise très active et protectrice.

Si on peut avoir parfois l’impression de faire beaucoup pour la cause ukrainienne, de soutenir l’Ukraine sans faille, en tous cas d’essayer au maximum, on se sent toujours toute petite aux côtés de ces uniformes, et de ceux qui œuvrent sur cette ligne de front de la liberté et de la dignité européenne.

Ils sont tous longuement ovationnés par l’assistance. Comme le film. En présence également de l’Ambassadeur de France, Nicolas de Rivière, qui annonce qu’il se tiendra prêt à inviter avec bonheur un éventuel troisième film des réalisateurs.

Tout comme l’Ambassadeur Sergyi Kyslytsya, qui a bataillé ferme ces dernières semaines pour dénoncer la farce cynique de cette présidence russe, même provisoire et purement technique, de l’instance en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationales, en dépit du mandat d’arrêt émis par la CPI contre Vladimir Poutine, en dépit de la guerre d’agression lancée contre l’Ukraine, en dépit de tous les traités, chartes et règles de cette même grande maison piétinées par les forces russes.

Ce soir, il remercie Bernard-Henri Lévy, son coréalisateur Marc Roussel, son cameraman ; et il souligne l’importance des visages ukrainiens portés par le film : « On entend beaucoup parler de chiffres, pertes, et équipements, mais peu des êtres humains plongés dans cette guerre. Il nous montre ces êtres humains, leur présence, leur force, la force des Ukrainiens, leur état d’esprit, leurs visages, et c’est fondamental pour comprendre ce qui se passe. Ce film sera encore toujours plus apprécié, non pas demain, ni après-demain, mais dans 10 ans, car il s’agit d’un film pour l’Histoire, d’un film pour préserver la mémoire. » détaille-t-il, en appelant également à un nouvel opus.

Et BHL de répondre : « J’espère de tout mon cœur ne pas avoir le temps d’en réaliser un troisième car je crois en une victoire proche de l’Ukraine. Il ne manque pas grand-chose, si ce n’est plus de certaines armes, pour que s’effondrent les lignes russes. Il ne manque pas grand-chose pour que l’Histoire s’accélère. J’espère de tout mon cœur pouvoir revenir vite à mes études, à un prochain livre. Et revenir dans Kyiv libérée, Odessa et Sébastopol libérées, où nous pourrons crier tous ensemble « Slava Ukraini, Heroyam Slava ! ».


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