Ce vers de Virgile que Freud place en exergue de la Science des Rêves : « Flectere si nequeo Superos, Acheronta movebo – si je ne peux fléchir les dieux, je saurai émouvoir le fleuve des ombres ». C’est tout cela la psychanalyse. Et ce n’est, en même temps, que cela. Avis aux amateurs du Livre Noir.

L’histoire a l’air compliquée. Mais non. Elle est si simple ! C’est celle d’un Président des États-Unis qui, pour se venger d’un homme qui s’est mis en travers de ses projets de guerre en Irak, balance le nom de sa femme qui se trouve être, elle-même, une agente de la CIA. George Bush ou Arturo Ui ? Ou Al Capone ? Ou Ubu ?

Pourquoi, demande Lacan dans une conférence de 1967 éditée par Jacques-Alain Miller (Le Seuil), tant de gens « se précipitent-ils sur mes Écrits qui sont paraît-il incompréhensibles » ? La réponse fuse, insolente, lumineuse : « parce qu’ils ont besoin d’avoir un endroit où ils s’aperçoivent qu’on parle de ce qu’ils ne comprennent pas ».

Qu’est-ce qui trahit le plus un écrivain : son style ? son visage ?

Virgile, dont Dante s’étonne qu’il soit, précisément, sans ombre.

A quoi nos doubles nous servent-ils ? A conjurer la mort (Otto Rank) ? A la précipiter (Herman Broch) ? Le visage de Daniel Pearl, ce dimanche, au Centre Rachi.

Devant l’ennemi, s’il vainc, même les morts ne seront pas en sécurité. C’est la « Thèse VI » de Walter Benjamin. Ce sont les mots qui me viennent face aux dénégations de Théoneste Bagosora, l’un des cerveaux du génocide rwandais.

On s’étonne de la pipolisation de la politique française. On a tort. Car c’est, là aussi, extrêmement simple. Jadis, le maître surveillait ses esclaves et le prince ses sujets : c’était le fameux « Panoptique » où Michel Foucault voyait le principe du pouvoir moderne. Aujourd’hui ce sont les sujets qui – via, notamment, les sondages – surveillent, censurent, jugent les maîtres et les princes : ce basculement du dispositif, cette inversion du panoptique, ce système inédit où c’est le peuple qui se dérobe et le prince qui se montre, telle est la forme du pouvoir postmoderne et cela débouche, forcément, sur des photos dans Paris-Match.

Qui, au juste, fait l’Histoire ? Ceux qui la font officiellement et, ce faisant, la disent ? Ou ceux qui la traversent, la parcourent à contresens ou, comme les vaincus, s’inscrivent en faux contre ses lois ? Œuvrer, oui, pour ceux-ci. Leur faire des tombeaux de mots. Ultime ressource de la justice.

Confidence d’un « fondamentaliste » américain (en l’occurrence, pentecôtiste) : le Jugement a déjà eu lieu ; ce sont ses soubresauts que nous vivons.

Psychanalyse toujours. Les larmes du praticien de Christine Orban (Deux fois par semaine, Albin Michel). Celles de Freud selon Catherine Clément (Pour Sigmund Freud, Mengès). Irréductible pessimisme.

Crise des banlieues, vraiment ? Ou crise des villes, en général ? De la civilité urbaine ? De ce que l’on appelait, jadis, la civilisation et qui était, oui, toujours, une civilisation de la ville ? Relire les poèmes de Baudelaire. Les Promenades de Walter Benjamin. Le paysan de Paris d’Aragon. Et, à la lumière des événements de Clichy, dans l’ombre de la politique du Karcher ou des images de cet homme battu à mort parce qu’il voulait photographier des réverbères, se demander combien de temps il faudra pour que cette prose urbaine nous devienne inintelligible.

Mon idée, il y a vingt-cinq ans, dans Le Testament de Dieu : non pas la mort de Dieu, mais son incrédulité, son manque de foi – c’est Dieu qui serait athée, pas nous.

Rayer Israël de la carte, recommande le président de la République islamique d’Iran… Bon. Je me demande juste si ce type de déclaration est compatible avec la charte de l’ONU. Et s’il ne faudrait pas, avec les Etats voyous, faire ce que font les Etats normaux, d’habitude, avec leurs propres voyous : quand un délinquant pousse le bouchon trop loin, on le prive momentanément de ses droits civiques ? eh bien de même pour les Etats terroristes auxquels il faudrait, tant qu’ils sont terroristes, infliger un traitement du même genre – de même pour l’Iran d’Ahmadinejad dont l’Assemblée Générale des Nations Unies devrait, jusqu’à nouvel ordre, suspendre par exemple le droit de vote.

Clôturer, à Rome, un colloque sur Pasolini : je n’oublie pas que le Vatican lui-même décerna à L’Evangile selon Saint Mathieu son Prix de l’Office catholique du cinéma.

Apprendre que le Pakistan, au moment même où des groupes terroristes, liés à ses services spéciaux, sèment la terreur à New Delhi, censure les images satellites qui, seules, permettent de localiser ses propres populations sinistrées. Voilà. Tout se tient.

« Provocateur… Gâteux… On lui fait dire ce que l’on veut… » Telle est la doxa sur l’Abbé Pierre. Soit. Encore qu’il y ait, peut-être, une autre lecture possible de ses déclarations. Paul : « Mieux vaut se marier que brûler. » Grégoire de Nysse qui, avant de donner son Traité de la virginité, eut le loisir de comparer les mérites respectifs du mariage divin et humain. Et, quant au Christ lui-même : « la vérité vous rendra libre ».


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