Mesdames, messieurs les Ambassadeurs,
Nous sollicitons votre attention à propos de la situation dramatique en Syrie et du projet de résolution du Conseil de sécurité à ce sujet.
Vous connaissez mieux que quiconque la situation en Syrie, dont vous êtes désormais saisis.
Des villes entières, dont les noms, comme à nous tous, vous sont devenus familiers, Deraa, Homs, Lattaquié, Kamychli, Banyas, sont coupées du monde, privées de téléphone, d’électricité, patrouillées par des chars, survolées par des hélicoptères, qui mitraillent les foules ; des tireurs embusqués sur les toits fauchent les passants ; des miliciens investissent, une à une, les maisons et embarquent les hommes de quinze à quatre-vingts ans.
De même, vous connaissez, à n’en pas douter, le nom des prisons où on les entasse : Tadmor (Palmyre) ; Palestine, Adra, Douma (Damas) ; Seidnaya. L’enfer, en Syrie, porte ces noms. Vous êtes informés, bien entendu, des tortures que des milliers d’innocents y endurent.
Vous savez et, comme nous tous, à coup sûr vous vous en indignez, que c’est ainsi que sont traités étudiants, démocrates, citoyens ordinaires qui, du nord au sud du pays, réclament, jour après jour, pacifiquement, au prix de centaines de morts, de milliers d’arrestations, une liberté et une dignité qu’ils n’ont jamais connues.
Un pays sous dictature de père en fils depuis quarante ans, un régime qui, dans une totale impunité, plante ses pieux armés dans le cœur de chaque citoyen : telle est la Syrie du clan Al-Assad, et l’État de barbarie qu’il a instauré ces derniers mois, foulant les lois humaines aux pieds. Des millions de citoyens sans défense ont été poussés à la révolte. Un peuple accueillant et paisible a cessé d’endurer – et cette révolte à mains nues, contre la machine de mort, relève du sacrifice. Depuis ce printemps, les manifestations se soldent, à Deraa, à Homs, à Kamychli, à Banyas, à Lattaquié, par des massacres de l’armée, des milices et des services secrets. Mais, ne cédant pas à la terreur, admirables de courage, les manifestants recommencent le lendemain, enterrant leurs morts et repartant de plus belle. Tout cela est admirable. Tout cela est monstrueux. Tout cela se déroule à huis clos, les frontières hermétiquement fermées. Les organisations humanitaires, la presse internationale sont bannies. Silence, on tue !
Tout cela, mesdames, messieurs les Ambassadeurs, vous le savez mieux que quiconque.
La communauté internationale, en effet, a commencé à réagir.
Un projet de résolution condamnant la répression, proposé par l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France et le Portugal, devrait être soumis au Conseil de sécurité des Nations unies, dont vos quinze pays constituent les membres actuels.
Ce projet de résolution est entre vos mains.
Il assimile la répression en Syrie à un crime contre l’humanité.
Il ne propose pas de sanctionner la Syrie, encore moins une intervention militaire.
Il se borne à condamner la répression et à ouvrir la voie à des investigations sur des crimes contre l’humanité. Quelles que soient ses limites, il a le mérite d’exister.
Il serait capital pour le peuple syrien martyrisé dans sa lutte pacifique pour sa liberté que ce projet soit adopté par vous, mesdames et messieurs les Ambassadeurs.
Devant la pression internationale unanime, reprise solennellement par votre Conseil, le pouvoir syrien pourrait reculer et stopper enfin les massacres que ses forces perpétuent dans une totale impunité jusqu’à ce jour, ville après ville, partout dans le pays.
L’opinion publique internationale s’y verrait exprimée, unanime par-delà sa diversité.
Quel écho cela aurait partout dans le monde ! Quel réconfort pour le peuple syrien ! Quelle autorité morale pour votre Conseil et chacun des actuels États membres que de se faire les avocats de la conscience universelle !
Nous souhaitons ardemment que ce projet de résolution soit soumis à l’examen du Conseil et à votre vote. Il doit d’ores et déjà recueillir le plus grand nombre d’assentiments de votre part, mesdames et messieurs les Ambassadeurs. Il serait tragique et moralement inacceptable que, sous la menace d’un éventuel veto ou de telle ou telle abstention parmi vous, ce projet de résolution ne vienne pas à être soumis à votre conscience, qu’il finisse dans les poubelles du renoncement.
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