Bernard-Henri Lévy a donc gagné son pari. Ses débuts dans le roman étaient attendus avec une bienveillance mitigée. BHL depuis son apparition en 1977, dans le ciel parisien des idées est un personnage discuté. Il irrite autant qu’il séduit. On lui reproche ouvertement sa voracité et implicitement d’être trop comblé par la fortune, riche, beau, couvert de diplômes, etc.

Après avoir commencé avec bonheur dans l’édition et publié ses camarades de promotion de Normale, il devient sur le champ à la mode avec La Barbarie à visage humain (Grasset).

Il est la figure de proue de ceux qu’on appellera les « Nouveaux philosophes ». Ceux-ci brûlent avec ardeur ce qu’ils avaient adoré en 1968. Ils dénoncent le socialisme qui a accumulé les échecs et parfois les crimes. La Barbarie à visage humain, au style souvent somptueux, était le plus brillant des livres de ces jeunes gens en colère. Tout naturellement l’opinion sacra BHL chef de file de la nouvelle école, d’autant plus qu’il montra des capacités remarquables dans le cumul des rôles d’idéologue et d’homme publique.

Le mérite de BHL est de ne s’être pas satisfait de cette situation confortable. Deux ans plus tard Le Testament de Dieu (Grasset) faisait grincer des dents et décevait certains de ses premiers admirateurs. Livre passionné sur le judaïsme et influencé par les pensées de Lévinas et René Girard. En 1981 L’Idéologie française (Grasset) provoqua des réactions véhémentes. Bernard-Henri Lévy accusait de larges secteurs de la culture française d’être imprégnés d’un antisémitisme congénital. Ces thèses auraient été mieux accueillies si l’auteur avait manifesté plus de rigueur dans ses informations et s’il ne s’était pas laissé aller à un goût excessif de l’amalgame. Après le fiasco de L’Imprévu qui ne dura que quelques jours, L’Idéologie française fut le deuxième faux pas d’un parcours étourdissant.

Aujourd’hui, BHL, tient sa revanche. Rares sont les philosophes qui depuis Sartre dont reconnus comme romanciers. Il a aussi montré sa capacité d’emprunter des chemins différents. Ici BHL est moins provocateur, plus émouvant que dans ses ouvrages précédents, moins brillant aussi peut-être. Je ne sais si Le Diable en tête est un grand roman, mais son auteur fait preuve d’une virtuosité technique incontestable. Une stratégie très élaborée se confirme, marquée par les choix minutieux des sujets et des terrains de bataille. C’est pourquoi on attend avec intérêt la suite. On a envie de dire que pour cet homme habile et talentueux le plus difficile reste à faire.


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