Avant d’en feuilleter les première pages, il convient de s’entendre sur le mot « intellectuel ». La définition de Bernard-Henri Lévy dépasse largement celle du Petit Larousse : « C’est un écrivain ou un artiste qui s’arrête de créer un instant pour intervenir dans les affaires de la Cité ; et cela dans le sens de ce qu’il croit être le juste, le vrai et le bien. »

Intellectuel et conscience indignée

Pour éviter toute confusion, Les Aventures de la liberté s’ouvrent sur l’affaire Dreyfus, le déclic qui, selon le philosophe, donna naissance aux intellectuels. Bien sûr, Victor Hugo ou Voltaire se sont engagés dans leur œuvre, « ils n’étaient évidemment pas très loin de ce que j’appelle l’intellectuel, souligne le promoteur de la série, mais c’étaient des consciences indignées. »

Il leur manquait le véritable engagement, celui qui jeta Malraux dans la guerre d’Espagne, Brasillach dans la collaboration ou Aragon dans le stalinisme… Le film s’attache à suivre leurs traces en suivant scrupuleusement la chronologie.

Il enquête dans les lieux qu’ils ont fréquentés afin de mieux nous faire comprendre leurs convictions, leurs combats, mais aussi leurs doutes et enfin leurs erreurs. « Certains se sont beaucoup trompés, reconnaît l’écrivain, mais pas toujours. Ils ont commis les mêmes erreurs que leur époque. Mais ils ont parfois aussi sauvé l’honneur. Il ne s’agit pas de leur accorder un blanc-seing. D’ailleurs, si cette série devait servir à quelque chose, ce serait d’enseigner qu’il ne faut pas faire aveuglément confiance. Personne ne détient la vérité. »

Les grandes idéologies qui ont façonné le XXe siècle ont fait long feu. Alors Bernard-Henri Lévy pose une question dans la dernière partie de son film : après la disparition des derniers grands comme Sartre ou Foucault, quelle figure prendront nos futurs maîtres à penser ? Il n’y répond pas mais s’interroge sur l’efficacité de l’actuelle « philosophie des droits de l’homme ». « Elle ne suffit pas, dit-il, c’est une idée faible qui ne permet pas à elle seule de penser le monde. Si le seul problème avait été : les droits de l’homme sont-ils ou non respectés ? Qu’est-ce qui permettait de dire qu’un camp de concentration était incomparablement plus horrible qu’une cité-dortoir de Londres de la fin du XIXe siècle ? »

L’intellectuel du troisième type va devoir « inventer » en quelque sorte. Mais surtout pas disparaître. L’hommage que lui rend BHL le montre parfaitement, même si on prononce aujourd’hui « intello » avec un certain mépris. « Le mot a toujours été péjoratif, remarque-t-il, déjà au moment de l’affaire Dreyfus. La France est un pays où on a, à la fois vénéré et vilipendé les intellectuels. Cette attitude a toujours été un mauvais signe pour le climat démocratique. »


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