Il est un peu un personnage des romans de Chaïm Potok, L’Élu, The Chosen. En anglais, c’est mieux, car il y a dans le mot le choix, le choisi, par qui ? Je n’ai pas de réponse, mais l’élan qui l’accompagne et le propulse vers Israël depuis toujours me bouleverse. Après tout ce temps, ce génie qui semble avoir fait sienne la phrase

de de Gaulle : « Vise plus haut, il y a moins de monde » m’étonne encore, un mélange d’admiration et d’effroi pour son courage et son indifférence au danger. Moi qui regarde le monde de ma fenêtre comme ce poème de Baudelaire que nous aimons tant : « Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre ». Lui, BHL, lumineux, vit la vie, rêve la vie, souffre la vie ! Ô combien intense est son ouvrage… Solitude d’Israël, tout court et tout simple, est si vrai, comme une parole messianique qui vient de loin. Alors, Potok contre Cohen ? J’ai laissé mes rêveries solaliennes le concernant, et le fil d’Ariane qui le rattache au monde puissant des Valeureux s’estompe dans mon esprit, car le voilà presque prophète… À cet âge encore frêle, après tout Moïse a atteint la Terre promise à 120 ans, il est devenu irréprochable et incontournable… Il est bien le seul à toucher du doigt le ciel sombre des éloges médiatiques qui fusent à son égard pour ce livre, Solitude d’Israël. Alors que le pays, dans ces jours obscurs, traverse des couloirs obscurs car les appels au boycott sont légion, lui Bernard-Henri Lévy fait silence autour de lui, nul reproche et sa voix porte. Que s’est-il passé le 7 octobre 2023 ? Un choc dans l’âme juive ? Un pogrom sans précédent depuis la Shoah ? Un ébranlement de la conscience universelle ? Une étape dans la guerre mondiale menée contre les démocraties ? Comme à son habitude, BHL porte plus loin le débat politique et se place d’un point de vue philosophique, analysant les fondements du judaïsme selon Emmanuel Levinas qui parlait de l’exception juive. Et Romain Gary et Albert Cohen qui annonçaient le retour de la plus vieille des haines. La solitude d’Israël est-elle irrémédiable ? Invité partout, la presse dithyrambique, la France se l’arrache, désormais on écoute sa parole. Fini le temps, où on jalousait de partout cette âme fière et rebelle qui se plaçait déjà aux frontières de la bienséance philosophique, et cet aventurier aux accents rimbaldiens nous fredonnait souvent cette litanie des mondes enténébrés qui allait déferler sur nous comme un ouragan.

Alors, je prends mon temps et j’attends que la caravane passe ou plutôt, je le transporte dans mon sac, sorte de talisman ou de doudou bienfaisant… Je l’ouvre doucement, je scande son titre souvent mais hésite, il accroche déjà follement des haillons d’argent sur mon cœur. Je le savais quand, le lendemain du 7 octobre, il était un des premiers à se rendre sur place qu’il témoignerait et laisserait de sa plume noire trempée dans le sang rouge de l’émotion, un livre magnifique. Alors ce prince des nuées qui hante les tempêtes des guerres nous raconte. Ses écrits sont comme des épées et tracent dans l’air un cercle éblouissant ; jamais, depuis la Shoah par balles, l’on n’avait vu des juifs massacrés ainsi, à bout portant, juste parce qu’ils étaient juifs. « L’âme, l’esprit et le génie du judaïsme tiennent bon ». Soutien indéfectible d’Israël, BHL est un peu la 8^ème colonne de ce temple invisible et palpable qu’il réussit à construire par des mots qui volent, et se posent sur nos cœurs, tels des papillons d’or.