Eh bien voilà une bonne nouvelle.

La justice a tenu bon.

Elle n’a cédé à aucune des pressions, intimidations, intoxications, dont elle était assaillie depuis des mois.

Elle a refusé d’entrer dans les raisons de ceux qui arguaient de la prétendue offense faite aux croyants pour tenter de limiter la liberté de penser, critiquer, dessiner, opiner.

Et elle a, ce faisant, rendu un jugement qui, par-delà l’affaire des caricatures, par-delà le cas de Val, Cabu et tous nos amis de Charlie-Hebdo, est un jugement qui fera date.

Il sera difficile, après cet arrêt, de continuer de confondre la critique de l’islamisme (doctrine politique) avec celle de l’islam (doctrine religieuse).

Il sera difficile, dans l’Islam en général, de continuer de nous faire le coup que nous ont longtemps fait (et que nous font encore) les bigots des autres religions : « en vous riant des dogmes, vous portez atteinte aux personnes, vous les blessez, vous les humiliez. »

Il sera impossible, en tout cas devant un prétoire, de revenir nous bassiner avec cette fameuse « islamophobie » qui, à en croire les plaignants anti-Charlie, serait « une forme de racisme » : l’islam n’est pas une race, a répondu, en substance, ce très voltairien tribunal ; on peut s’en prendre à ses articles de foi comme à ceux de n’importe quelle autre religion ; on peut rire de son prophète comme de ceux de l’Ancien et du Nouveau Testament ; on peut en faire des caricatures éventuellement vulgaires, de mauvais goût, ratées – cela n’est, en aucune façon, assimilable à un racisme.

Il y a là un arrêt qui donne, à proprement parler, un coup d’arrêt à une dérive que l’on sentait, en France comme ailleurs, depuis quelques années et qui consistait à limiter tout doucement, mine de rien, mais par les forces coalisées d’une nouvelle et très inquiétante sainte alliance des clergés, ce libre droit à la satire, à l’irrévérence, voire au blasphème, qui est un des plus beaux acquis des Lumières.

C’est une victoire de l’esprit laïque.

C’est un salut à cette liberté de conscience dont l’imprescriptibilité est, au même titre que le suffrage universel ou le principe de séparation des pouvoirs, un pilier des démocraties.

Pour tous les hommes et femmes qui sont, comme on dit, « issus de l’islam », pour nos compatriotes qui « viennent » de l’islam mais qui ne veulent plus le voir, cet islam, comme un destin ou une prison, pour ceux des musulmans qui revendiquent, mais sans oser le dire, le droit, comme les juifs et les chrétiens, de croire ou de ne pas croire, d’adorer ou de renier, d’exercer ou non leur libre examen, de faire un pas hors du cercle de l’origine, de changer de religion, de n’en avoir aucune, c’est un renfort inestimable, une bénédiction, un soulagement.

Et quant aux organisations plaignantes et, à dater d’aujourd’hui, définitivement déboutées, elles ont appris à leurs dépens qu’à mêler trop étroitement la religion et la Cité, à la faire sortir des lieux de culte et des consciences pour tenter d’en imposer la loi à tous et à tout instant, on l’expose à la polémique, à la brutalité du débat public ou, comme aujourd’hui, à la défaite – et ça aussi c’est une bonne nouvelle.


Autres contenus sur ces thèmes