Mon premier vœu, c’est que l’Ukraine l’emporte. Je vois bien la lassitude des opinions. J’entends le vent de défaitisme qui monte, partout, dans les démocraties. Et je suis bien placé, puisque je l’ai filmée, pour savoir que la contre-offensive lancée dans la deuxième partie de l’année écoulée ne s’est pas passée comme prévu. N’empêche. Les armées du président Zelensky tiennent les lignes de front. Elles n’ont pas cédé une ville, un village, une tranchée significative, depuis le moment de sidération des débuts. Elles ont fait de la mer Noire, au départ des ports de Kherson, Mykolaïv, Odessa, une mer quasi ouverte où recommencent de circuler les navires chargés de blé à destination de l’Europe et de l’Afrique. Elles ont fait preuve d’une ingéniosité et d’une audace qui leur ont notamment permis de frapper là où elles l’ont voulu dans la si stratégique Crimée. Et les observateurs de bonne foi savent que les mobilisés russes sont de plus en plus nombreux à aller au combat avec des mitrailleuses dans le dos. Que l’on se décide, alors, à armer véritablement l’Ukraine. Qu’on lui livre les F16 sans lesquels il sera militairement difficile de reprendre la dernière part d’Europe kidnappée. Et que les républicains du Congrès honorent, aux Etats-Unis, en ce début janvier, la promesse faite à Kyiv en même temps que, de Ronald Reagan à John McCain, la mémoire de leurs illustres pionniers. La vaillance de l’Ukraine faisant le reste, je ne doute pas, si tel est le cas, que 2024 soit l’année de la victoire et, donc, de la paix. 

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Mon deuxième vœu c’est que l’on ouvre les yeux sur le sens de l’autre guerre, terrible, qui se livre à Gaza. Je me souviens du temps, fin 2001, après le 11 Septembre, où le président Chirac et le Premier ministre Jospin m’envoyaient en mission dans l’Afghanistan détruit par le règne des Talibans et d’Al-Qaïda : furent débattues, à mon retour, quand Le Monde en publia les extraits, puis La Documentation française l’intégralité, certaines de mes propositions de reconstruction – mais nul ne doutait, à l’époque, de la justesse d’une stratégie qui avait mis hors d’état de nuire les terroristes du World Trade Center. Je me souviens du moment, dix ans plus tard, où je suivis les Kurdes, puis la Division d’or irakienne, pour tourner un documentaire sur la libération de Mossoul qui était l’une des deux capitales de Daech au Levant : nombreux furent les morts civils innocents ; non moins irrémédiable fut la destruction, par les bombardements alliés, d’une part du patrimoine de la ville qui était aussi celui de l’humanité ; mais tout le monde était d’accord sur la pertinence de l’objectif qu’était la réduction de l’État islamique à une Gorgone sans tête. Pourquoi en irait-il autrement du Hamas et de son islamisme de troisième génération qui a repris de ses prédécesseurs le pire de leur doctrine et de leurs méthodes ? Comment ne voit-on pas que, dès lors qu’il a su fédérer, avec le Hezbollah, les houthis, la Syrie de Bachar al-Assad, l’Iran et, plus loin, la Turquie et la Russie, une authentique coalition internationale, il est plus redoutable encore ? Et pourquoi parler d’un « cessez-le-feu » qui, sauf s’il s’agit de libérer des otages israéliens et de mettre à l’abri des civils palestiniens, ne peut avoir d’autre effet que de renforcer ce troisième Califat, de le laisser accroître son emprise sur Gaza et de voir grandir son aura dans le monde arabo-musulman proche et lointain ? Le Hamas représente une menace existentielle pour Israël. Mais aussi pour le monde libre ou qui aspire à l’être. C’est pourquoi il doit être détruit. 

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Et puis je forme un dernier vœu qui concerne l’élection présidentielle américaine de novembre et dont dépendent, en dernier ressort, les deux autres. J’avais, dans un bloc-notes d’août 2023, mis le doigt sur un point de droit dont peu, alors, semblaient s’aviser. C’est le 14e amendement de la Constitution. Il est promulgué en 1868, au lendemain de la guerre de Sécession que l’on appelle, aux États-Unis, la guerre civile. C’est une date décisive que les constitutionnalistes américains voient comme un second moment fondateur de la nation. C’était aussi l’époque où les sudistes insurgés et vaincus rêvaient de faire rentrer par la fenêtre du Congrès des personnalités que l’on en avait sorties par la porte. Et il stipule, l’article 3 de ce 14e amendement, que nul « n’occupera aucune charge civile ou militaire » si, « après avoir prêté le serment » de « défendre la Constitution », il a soit « pris part à une insurrection », soit « donné aide ou secours » à ceux qui y ont pris part. La Cour suprême du Colorado puis la secrétaire chargée des élections dans le Maine ont estimé, dans les derniers jours de l’année, que telle était la situation de l’ex-président Trump depuis son soutien, il y a trois ans, à l’assaut contre le Capitole. Mon vœu, c’est que d’autres États suivent leur exemple ; que, même si la Cour suprême fédérale invalide leur décision, un large débat républicain s’instaure ; et que le Grand Old Party où l’on ne plaisante pas, en principe, avec le patriotisme constitutionnel, comprenne, avant qu’il ne soit trop tard, qu’il est plus prudent de réfléchir à une candidate, ou un candidat, qui honore les valeurs américaines, sache les défendre sur la scène du monde et prenne la mesure d’une année dont les défis s’annoncent exceptionnellement périlleux.


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