C’est l’année où il faudra perdre l’habitude, quand il neige, de faire un procès au ciel et au gouvernement.

C’est l’année où il faudrait que les chefs d’Etats démocratiques apprennent à ne plus traiter Poutine en camarade.

C’est l’année où l’on rêve de voir Hegel – ou, à défaut, Michel Foucault – entrer dans la Pléiade.

C’est l’année où l’on conseillera à George W. Bush – même si c’est un peu tard – de commencer une psychanalyse et de tuer enfin le père en même temps que Saddam Hussein.

C’est l’année où il faudrait que Karl Lagerfeld reprenne quelques kilos.

C’est l’année où un réfugié nommé Izigov – ancien président du Parlement tchétchène – devra se voir, avec sa famille, attribuer un HLM à Paris.

Il faudra faire, cette année, un remake de Tendre est la nuit et porter enfin à l’écran (Anne-Marie Miéville ? Images en paroles ? Trieste ? Londres ?) le Barnabooth de Larbaud.

On formera des vœux pour que, cette année, Castro et Kim Jong-il prennent leur retraite.

C’est l’année où l’on aimerait rendre hommage à Aragon (n’est-ce pas, Jean Ristat ?), sans oublier René Crevel.

C’est l’année où l’on verra si Lula est l’ami des damnés de la terre ou des imposteurs – Castro encore – qui se nourrissent de leur malheur.

C’est l’année où la raison (et l’humour) voudrait que la cérémonie des césars (ou la remise des prix à Cannes) soit orchestrée par Jamel Debbouze et Elie Semoun.

C’est l’année où l’on fera campagne pour que le césar du meilleur « Rapport » aille à Catherine Clément.

C’est l’année où l’on recommandera à Blandine Kriegel (avec qui la presse fut féroce, et injuste) de réapprendre à sourire et de cesser de se mettre en colère à tout bout de champ.

C’est l’année où il faudrait que LCI retire de son écran – en bas, à droite, en continu – le cours du CAC 40.

C’est l’année où, en principe, les états-majors politiques comprendront que la prochaine présidentielle verra s’affronter Chirac et Jospin – un point c’est tout.

C’est l’année où, en bonne logique, Régis Debray et Max Gallo devraient entrer à l’Académie.

C’est l’année où l’on priera pour qu’Israël se libère des territoires (Gaza, Cisjordanie) qui sont devenus « comme un piège au milieu de lui » (« Deutéronome »).

C’est l’année où il conviendrait qu’Henri Emmanuelli ne puisse plus dire que ses idées sont majoritaires au Parti socialiste et à gauche.

C’est l’année où il serait bon que Philippe Sollers ait le Goncourt ; Salman Rushdie ou Amos Oz le Nobel ; et Ahmed Shah Massoud, à titre posthume, le prix Nobel de la paix.

C’est l’année où l’on espère voir le siège d’Ingrid Betancourt au Sénat colombien occupé par Ingrid Betancourt.

C’est l’année où l’on souhaite à Dominique de Villepin de trouver le temps, entre Cocody, Oulan-Bator et L’Isle-sur-la-Sorgue, d’écrire son premier roman.

C’est l’année où il serait urgent que Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn se mettent enfin d’accord avec – et sur – leurs arrière-pensées.

Ce sera l’année, forcément, de la percée de Philippe Muray : car, dans la troupe hétéroclite des « nouveaux réactionnaires » de l’an passé, il avait autrement plus d’allure que Dantec, Taguieff ou Trigano.

C’est l’année où José Bové deviendra, vraiment, internationaliste – ou sombrera.

C’est l’année où il faudrait que Houellebecq fasse moins de déclarations et plus de littérature.

C’est l’année où je crois qu’un cinéma français et une maison des écrivains ouvriront leurs portes à Kaboul – quelle victoire !

C’est l’année où, je l’espère, Belmondo refera un film.

C’est l’année où l’on attend que les musulmans modérés prennent la parole et la gardent.

C’est l’année où l’on continuera de défendre Luc Ferry contre la bassesse des attaques ad hominem. Mais qu’il fasse montre, lui, de plus de courage politique ! Quand des universitaires français décident de boycotter des collègues israéliens, il est navrant de voir le ministre se mettre aux abonnés absents puis ne trouver, pour qualifier cette mise au ban, qu’un mot terrible et qui en dit long : « inopportune »… la décision était « inopportune »… manière de suggérer qu’elle était bonne mais venue au mauvais moment ?

C’est l’année où l’on priera – après Bertrand Delanoë et le rabbin Gabriel Farhi – pour que les poignards restent au vestiaire.

C’est l’année où l’on souhaite, plus que jamais, longue vie à Jean-Paul II (ainsi qu’à quelques autres : Mandela, Shimon Peres, Lévi-Strauss, Soljenitsyne).

C’est l’année où l’on souhaite à Ben Laden de rencontrer le jugement de Dieu – le vrai.

Car c’est l’année où, je le crains, se vérifiera l’axiome de Baudelaire : les dieux existent, ils sont le diable.


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