Bien sûr, un mort est un mort. Bien sûr, l’image d’un enfant palestinien bombardé n’est pas moins insupportable que celle d’un enfant israélien supplicié (ou syrien, ou libyen, ou kurde, ou afghan, ou bangladeshi – tout ce peuple d’enfants dont je me suis souvent senti bien seul, depuis cinquante ans, à prendre le parti…).
Et il est encore vrai que la grande erreur de tous, absolument tous, les protagonistes de cette interminable tragédie, aura été de croire que l’on pouvait s’entendre, faire la paix, signer des accords d’Abraham ou des annexes à ces accords, en passant le cas, l’histoire, les espérances des Palestiniens aux pertes et profits d’une Histoire dont on devrait pourtant savoir, à force, qu’elle n’a pas pour seuls moteurs les chancelleries : deux États et, entre les deux, la paix, la vraie, celle qui ne sera pas prétexte à réarmement et revanche – c’est ma position depuis toujours ; et nul ne devrait ignorer que c’est, à terme, la seule issue.
Cela étant dit, que faut-il faire, non pas à terme, mais là, aujourd’hui, dans ce moment où tout s’emballe ? Il faut arrêter d’agir comme si Tsahal s’était réveillé, un beau matin, en décidant, pour le plaisir, de pilonner Gaza. Il faut rappeler, et rappeler encore, que cette guerre lui a été déclarée, infligée, imposée, avec une sauvagerie jamais vue depuis la naissance d’Israël.
Il faut dire et répéter, sans relâche, que le Hamas porte l’entière responsabilité, non seulement de la mort des 1 400 Israéliens pogromisés du 7 octobre, mais de celle des 2 500 Palestiniens qui, à l’heure où j’écris, sont morts dans la bande de Gaza et dont le nombre ne fera que croître si ses maîtres persistent, comme ils le font depuis quinze ans, dans la politique du bouclier humain.
Il faut, quand Israël donne vingt-quatre heures, puis vingt-quatre heures encore, aux habitants de Gaza City pour évacuer les immeubles sous lesquels sont installés les centres de commandement, les dépôts de munitions et les lanceurs de missiles, encourager les départs ; se réjouir de voir une armée qui est l’une des rares au monde à se soumettre à l’obligation éthique, militairement paradoxale et tactiquement périlleuse, de prévenir avant de frapper ; il faut s’horrifier des salauds qui, en face, s’écrient : « que personne ne bouge ! votre sang nous intéresse ! » – et, quand ces salauds raffinent dans le cynisme en ranimant, chez les habitants apeurés, la peur d’une nouvelle Nakba et d’un exil sans retour, il faut, quand on est une organisation internationale responsable, faire un minimum d’histoire, rappeler qu’Israël a quitté le territoire depuis dix-huit ans et expliquer qu’il n’a jamais été question, pour aucun de ses Premiers ministres, de revenir sur ce choix.
Il faudrait aussi, dans l’urgence, et si l’on a vraiment à cœur le sort des enfants, des femmes, des vieillards, des malades, adjurer l’Égypte d’entrouvrir sa frontière et d’instaurer des couloirs humanitaires – et il faudrait convaincre la même Égypte de laisser entrer, en sens inverse, les hôpitaux de campagne des ONG.
Il faudrait, d’une façon générale, cesser de croire ou de laisser croire que le Hamas, qui a planifié et voulu ce cauchemar, aurait à cœur la vie, les souffrances ou les espérances d’un peuple qui est le cadet de ses soucis et qu’il ne voit que comme un outil permettant d’affaiblir et, un jour, de détruire l’« entité sioniste ».
« Palestine vivra » ? Non. « Israël mourra. » Voilà tout son programme. « Prison à ciel ouvert » ? Oui. Cette bande de terre grande comme dix fois Dubai, est, si l’on veut, une prison à ciel ouvert. Mais c’est lui, le Hamas, qui a les clefs. Combien de fois les dirigeants israéliens n’ont-ils pas dit : « plus de roquettes ? plus de blocus ! »… Et : « acceptez la main qui vous est tendue ; considérez l’argent qui vous vient, et de l’aide internationale, et des salaires des Gazaouis qui passent la frontière, tous les jours, par milliers, pour travailler en Israël et consacrez-le, cet argent, non plus à creuser des tunnels, mais à bâtir des écoles – et nous créerons, ensemble, avec l’intelligence partagée de nos peuples, un Dubai régional »… Et combien de fois le Hamas leur a-t-il répondu : « la mort est notre métier, pas la prospérité »…
Le Hamas a déshonoré ce qui restait de respectable dans la cause palestinienne, telle est la vérité. Le Hamas n’a jamais été rien d’autre qu’une organisation terroriste preneuse d’otages (199 otages israéliens, selon le dernier décompte…) et liée à une Internationale terroriste elle-même animée par les ayatollahs d’Iran tueurs de femmes et par une Russie trop heureuse de voir s’ouvrir un deuxième front éclipsant sa guerre contre l’Ukraine – telle est la réalité, et c’est pourquoi cette guerre est notre guerre.
Il faut que le Hamas soit détruit. Il faut libérer de son emprise Israël, la Palestine et, au fond, l’entière région. C’est l’urgence, donc. Mais c’est aussi, pour ceux qui ont encore la force de penser à demain, la seule et unique chance de reprendre un jour le chemin de la paix.
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