« Retour à Marx ». On croit rêver. Mais c’était, d’une certaine manière, prévu. Quand une époque n’a plus d’idées et qu’elle veut, à tout prix, faire du nouveau, quel autre parti que celui-ci : recycler ses vieilles lunes, accélérer la rotation de ses stocks ? Une époque folle, oui, qui tourne sur elle-même comme une toupie et n’en finit apparemment pas de réactiver ses discours abolis.

L’écrivain qui se trompe en politique ? Le tout, disait Malraux, est de ne pas se tromper en littérature. A méditer puisqu’il est – de nouveau – question de l’éternel débat Sartre-Aron.

La Nouvelle vie d’Olivier Assayas. Ce moment de grâce où, comme ici, le cliché cède à l’image. Le film que devraient voir, ces jours-ci, ceux qui « défendent » le cinéma français.

Un ami polonais me dit que Walesa a nommé ministre son chauffeur. A vérifier. Mais voilà, si elle est exacte, une information décisive sur l’état réel du désarroi dans les sociétés de l’après-communisme.

Déjeuner avec Jacqueline Delubac. Nous parlons, bien entendu, de Guitry et de l’étrange destin de ses films – boudés par l’intelligentsia au moment de leur sortie et retrouvant, depuis quelque temps, un regain d’actualité. Ce mot de Picasso, dont je m’avise qu’il vaut aussi pour les œuvres : « On met longtemps, très longtemps à devenir jeune ».

Tous contre les dinosaures – et, donc, contre Spielberg. Je veux bien. Mais j’aimerais que l’on se souvienne qu’un certain François Truffaut – exception culturelle s’il en est – fut jadis l’acteur principal d’un film du même Spielberg. Qui, donc, a le plus changé : Spielberg, nous ou l’époque ?

On lui a consacré des thèses. Elle a des millions de lecteurs de par le monde. Et Toni Morrisson, récemment, disait ce qu’elle lui devait. Or elle publie un nouveau roman et la presse dite littéraire n’en souffle mot. Serai-je le seul, ici, à écrire le nom de Marie Cardinal et le titre (Les Jeudis de Charles et de Lula) de son livre ?

Bedos dans Libération. La première fois on se dit « Tiens ! ». La seconde fois : « Bien vu ! » Mais le voici qui revient en troisième semaine – et on a envie, là, de s’exclamer : « salut l’artiste ! welcome in the club ! un gagman qui pense, observe en écrivain. »

« Le biographe biographé » : il manquait ce cas de figure dans le tableau de nos lettres – c’est chose faite, avec le Jean Lacouture de Sylvie Crossman, publié chez Balland. Une vie faite de rencontres. Une philosophie héroïque, exaltée de la vie. Une vie qui aura été belle parce qu’une belle vision de la vie la soutenait. « C’est si bon d’admirer » écrivait Flaubert à Tourgueniev et ce pourrait être l’exergue du portrait – en même temps que la devise du modèle.

Conversation téléphonique avec Salman Rushdie qui a reçu le recueil, édité à « La Découverte », où cent intellectuels musulmans s’expriment en sa faveur. Le même jour, me dit-il, éclatait enfin le scandale de la British Airways qui refuse, depuis quatre ans, de le transporter. Où est le courage ? Où est l’honneur ?

Il était obsédé par le fragment. Voici qu’on l’édite en continu, massifié dans des « œuvres complètes ». Étrange fortune de Roland Barthes. Singulière infidélité.

Deux occasions de redécouvrir Audiberti. Ses lettres à Paulhan chez Gallimard – mais, surtout, Le Mal Court, à l’Atelier, dans la si belle mise en scène de Pierre Franck.

Nabokov disait qu’on devrait pouvoir juger un homme, une idéologie, une idée, à la voix. La voix de Philippe de Villiers, dimanche, à « L’Heure de vérité » : nasillarde, haut perchée et qui semble, tout à coup, ne plus contrôler ses aigus – une voix qui lui monte à la tête, mais (tout est là !) sans dérailler.

Encore ce fameux « retour à Marx » – cette fois dans Globe Hebdo. J’hésite entre deux images. Celle de ces télés qui rediffusent indéfiniment, en boucle, les mêmes programmes. Ou bien ces mauvais westerns de mon enfance où l’on voyait les trois mêmes indiens passer derrière un mur et, sans cesse, redéfiler – illusion du nombre et du mouvement sur une scène, en fait, exténuée.

Anniversaire de la mort de Piaf – mais aussi de celle de Cocteau. C’est comme ce pauvre Chardonne qui eut la fâcheuse idée d’aller mourir en pleins événements de Mai 68. Ou comme le premier livre des frères Concourt, paru le 2 décembre 1851. Le genre de coïncidence dont on ne se remet, sans doute, jamais.


Autres contenus sur ces thèmes